European Interreligious Forum For Religious Freedom

Lettre ouverte aux politiciens français


Written the Monday, February 16th 2015 à 14:25
EIFRF




Article read 2085 times

EIFRF a écrit et co-signé (15 co-signataires, voir ci-dessous) cette lettre, qui est actuellement envoyée à une centaines de politiciens français :


Paris, le 16 février 2015
 
 
 
Chers responsables politiques français,
 
Récemment, nous en sommes tous conscients, la France a été touchée par deux attentats terroristes qui ont amené plusieurs millions de Français à descendre dans la rue pour manifester leur rejet du terrorisme, leur attachement au respect de la vie humaine et leur volonté de vivre dans un pays où les désaccords ne se règlent pas à coups de kalachnikovs, un pays dans lequel on ne se fait pas tuer juste parce qu’on est juif ou parce qu’on a froissé le sentiment religieux de certains, un pays où le droit est respecté et la liberté de conscience protégée.
 
Ces attentats odieux ont été très justement condamnés avec la plus grande fermeté par l’ensemble de la classe politique française, et nous vous soutenons entièrement dans cette démarche.
 
Malheureusement, le fait que ces attentats aient été perpétrés par des criminels se réclamant de l’Islam, non seulement sert aujourd’hui à justifier une stigmatisation de la religion musulmane et de ses fidèles, mais mène à une exacerbation des sentiments hostiles à l’égard des religions, dans une surenchère de contresens et d’exagérations qui ne font honneur à personne.
 
Comme l’a révélé l’Observatoire National Contre l’Islamophobie, depuis ces deux attentats les actes hostiles aux musulmans ont plus que doublé dans le pays.
 
La confusion entre ce qu’est le terrorisme, fût-il revendiqué au nom d’une religion, et la pratique, même assidue et zélée, d’une religion, est le terreau d’une fracture sociale qui n’aidera personne, et ne fera rien pour endiguer l’extrémisme criminel que nous souhaitons tous voir reculer.
 
Lorsque des hommes et femmes politiques confondent le fait pour un enfant « d’aller à la prière » et « une dérive radicale », lorsqu’ils affirment que le fait pour une jeune femme de choisir de « porter le voile » constitue une « dérive sectaire » qui mène à la « radicalisation islamiste », nous sommes en train de vivre une dérive politique qui nous éloigne chaque jour un peu plus des valeurs fondamentales qui ont présidé à la naissance et au développement de la République française.
 
Lorsqu’un enfant de 9 ans est emmené au poste de police et auditionné pour « apologie du terrorisme » parce qu’il aurait dit « Allah Akhbar, vive le Coran », et que la seule question qui interpelle nos journalistes c’est de savoir s’il a réellement prononcé ces mots, sans relever le fait que dire que Dieu est grand et louer un écrit sacré ne peut être assimilé à une apologie du terrorisme, alors, on peut craindre effectivement les pires dérives à venir.
 
Le choix des termes est aussi important dans ces périodes. Un religieux n’a pas à être « modéré » pour ne pas être un extrémiste, voire un terroriste. Si la modération peut être considérée comme une vertu appréciable, l’application de ce terme à une pratique religieuse, comme si le fait de pratiquer sans modération était un crime, ne peut que mener à une vision fausse de ce que nous devons combattre.
 
Une « fatwa » n’est pas un « appel au meurtre », mais un avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique sur une question particulière. Le « Djihad », même si le terme a été galvaudé par des groupes se réclamant de l’Islam, n’est pas pour l’ensemble des musulmans synonyme de terrorisme. Il conviendra de se poser la question de l’emploi de ces termes à l’avenir pour décrire une réalité que ne partage pas la grande majorité des musulmans. Un musulman qui pratique le « grand Djihad », c’est-à-dire la lutte contre ses propres penchants mauvais, ne pourra pas se reconnaître dans un message qui encourage à « stopper le djihadisme », même s’il comprend que l’intention est de stopper les terroristes.
 
Nous sommes tous d’accord pour condamner le terrorisme, celui-ci fut-il l’œuvre de criminels se réclamant d’une religion quelconque ou pas. Le terrorisme n’est pas une religion, c’est l’une des pires formes de criminalité qui existe, et c’est une criminalité à visée politique.
 
Nous sommes tous d’accord pour dire que les récents évènements doivent mener à une réponse forte et efficace pour empêcher ce qu’on appelle la radicalisation et lutter contre le terrorisme.
 
Pour cela, il est impératif de favoriser une plus grande compréhension de ce que sont les religions présentes sur le territoire français, et d’éviter les confusions qui mènent à l’exclusion, à la stigmatisation et au dénigrement d’une partie de la population française.
 
Les croyances et la pratique religieuse sont des libertés garanties par la constitution et la loi française et la grande force de la France, c’est sa laïcité qui protège chaque citoyen dans sa liberté de conscience, dans son droit de pratiquer librement la religion de son choix. Un mauvais usage de cette laïcité pourrait être le tombeau de notre vivre ensemble, le tombeau d’un ordre public dans lequel seraient enterrés pêle-mêle libertés individuelles, sentiments d’appartenance à la Nation et paix sociale.
 
Il existe en France de nombreuses initiatives inter-religieuses qui chaque jour montrent qu’il est possible de vivre ensemble, de se comprendre sans avoir à épouser la religion de l’autre et de vivre pleinement sa foi en accordant à l’autre le droit de vivre pleinement la sienne. Rien ne remplace la compréhension. Celle-ci naît entre autres de l’éducation aux grands principes qui sous-tendent les libertés fondamentales, mais aussi de l’éducation à ce que sont réellement les religions.
 
Nous vous encourageons à favoriser ces initiatives et à soutenir les actions qui vont dans la direction d’une plus grande compréhension entre les Français, quelles que soient leurs convictions religieuses, qu’ils en aient ou pas, et nous nous tenons à votre disposition pour participer à cet effort vital, pour la France, mais aussi pour l’Europe tout entière.
 
Très respectueusement,
 
ORGANISATIONS
 
EUROPEAN INTERRELIGIOUS FORUM FOR RELIGIOUS FREEDOM (EIFRF)
CAPLC (Coordination des Associations et des Particuliers pour la Liberté de Conscience)
THE LOKAHI FOUNDATION – UK
SOTERIA INTERNATIONAL
 
PERSONNES
 
Aïcha le Strat
Avocate au Barreau de Paris
 
Asif Arif
Avocat au Barreau de Paris
Chargé d’enseignement – Université Paris Dauphine
Directeur- Cultures et Croyances
Secretaire General EIFRF France
 
Mariam Barandi
FEMYSO
Forum Européen des Organisations Musulmanes de Jeunes et d'Etudiants
 
Danny Diskin
Interfaith Alliance – UK
 
Prof. Gwen Griffith-Dickson
Directrice – The Lokahi Foundation – UK
 
Catherine Orsborn
Directrice – Shoulder to Shoulder campaign
Program/Research Associate "Religion and Social Cohesion in Conflict-Affected Societies," at DU's Korbel School of International Studies.
USA
 
Eric Roux
Président – EIFRF
 
Chain SINGH
Président - Shiromani Akali Dal (France)
Association des Sikhs de France
 
Rabinda Singh Sohil
Président – International Sikh Council
 
Révérend Dr Kevin Snyman
Synod Mission Enabler
Synode de l’Eglise Unifiée Réformée des West Midlands - UK
 
Martin Weightman
Directeur – All Faith Network, UK
 



Knowledge of religions | Religious Freedom | Events | Books and publications | Interfaith | EIFRF presentation