Le groupe Helsinki de Moscou alerte la Présidente de l'APCE sur le sujet de la liberté de religion


Written the Saturday, March 22nd 2014 à 10:21 PM
EIFRF



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Le célèbre Groupe Helsinki de Moscou, par la voix de sa co-fondatrice Lyudmila Alexeyeva, combattante de la liberté bien connue depuis les années 70 en Union soviétique, a écrit à Mme Anne Brasseur, présidente de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, pour l'alerter sur un rapport rédigé par M. Rudy Salles, membre de la délégation française, qui devrait être voté le 10 avril 2014 en assemblée plénière. Traduction française EIFRF

(Le Groupe Helsinki de Moscou est la plus ancienne organisation de défense des Droits de l’Homme opérant actuellement en Russie. Le GHM a été fondé le 12 Mai 1976 avec pour but d’exercer une surveillance sur l’activité du gouvernement soviétique dans la sphère des droits humains pour prévenir ses tentatives d’amoindrir la liberté des individus. En ces années très difficiles de totalitarisme, c’était un groupe restreint de gens très courageux, qui osèrent élever leurs voix contre le gouvernement et le pouvoir absolu du parti communiste. Ils proclamèrent l’immense valeur des droits de chaque individu, la liberté de pensée et de mouvement, l’illégalité de l’arbitraire officiel de l’Etat. Il a été nommé Groupe Helsinki de Moscou pour rappeler à l’Etat soviétique que, le 1er Août 1975, les chefs de l’URSS, ayant signé l’Accord final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe tenue à Helsinki, prenaient l’engagement de se conformer aux normes internationales sur les droits humains. Normes qu’ils semblèrent ensuite avoir oubliées lorsqu’elles les incommodaient et qui avaient besoin d’être rappelées et contrôlées par quelqu’un.)

Madame Anne Brasseur 

President 

Parliamentary Assembly of the Council 
of Europe
Palais de l’Europe 

67075 Strasbourg Cedex
 
Moscou, le 15 mars 2014
 

Madame la Présidente,
 
Le Groupe Helsinki de Moscou a une longue histoire de défense de droits de l'homme et une expertise assez importante dans ce domaine.
 
Nous tenons à attirer votre attention sur le rapport rédigé par M. Rudy Salles, membre français de l'Assemblée et le projet de résolution et les recommandations qui vont être votées lors de la deuxième partie de la session plénière de 2014, "La protection des mineurs contre les dérives sectaires".
 
Ce rapport, de notre point de vue, pose d'énormes problèmes au regard des normes internationales fondamentales dans le domaine des Droits de l’Homme.
 
La protection des enfants est un sujet très important, et tous les efforts en ce sens devraient être soutenus. Toutefois, la résolution et la recommandation contenues dans le rapport vont faire exactement le contraire.
 
Le droit des parents à éduquer leurs enfants en conformité avec leurs propres convictions est un droit fondamental protégé par la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de même que le droit de choisir sa propre religion. Aucune distinction ne devrait être faite entre les religions « traditionnelles » et les religions « non-traditionnelles » et l'étiquetage d'un groupe en tant que « secte » est évidemment une tentative d'établir une distinction entre les « bonnes » et « mauvaises » religions.
 
Dans ce rapport, il est clair que ce qui est appelé une « secte » est en fait une minorité religieuse, par opposition à une religion «traditionnelle». Voir l'illustration de ceci dans le point 43 : « En matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires, certains Etats membres du Conseil de l’Europe laissent une grande marge de manœuvre à la société civile et aux Eglises « traditionnelles » (catholique, orthodoxe et protestante). Il est alors important d’accorder suffisamment de moyens financiers à ces acteurs pour qu’ils puissent accomplir efficacement leurs tâches en matière de conseil et d’assistance aux victimes des dérives sectaires et à leurs proches. »
 
Ceci conduira à une discrimination pure et simple où les « Eglises traditionnelles » recevront de l'argent des États dans le but de discriminer les minorités religieuses, comme c'est déjà le cas en Russie. Cela a même conduit à envoyer des enfants dans des camps « de réforme » psychiatriques, comme ce fut le cas au temps de l'Union Soviétique.
 
Lorsque cette voie est suivie, c'est le concept de la liberté elle-même qui est en cause.

De plus dans  la « Directive pour une révision de la législation en ce qui concerne la religion ou les convictions », écrite par le  Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l'Homme de l'OSCE et la Commission de Venise (1), il est écrit: 
 
« La législation comporte souvent des tentatives compréhensibles pour définir la « religion » ou des termes connexes (« sectes », « cultes », « religion traditionnelle », etc.). Il n’existe pas de définition généralement acceptée de ces termes en droit international, et de nombreux États se sont heurtés à des difficultés pour les définir. On a fait valoir que ces termes ne peuvent pas être définis juridiquement en raison de l'ambiguïté inhérente à la notion de religion. Une erreur de définition commune est d'exiger que la croyance en Dieu soit nécessaire pour que quelque chose soit considéré comme une religion. Les contre-exemples les plus évidents sont le bouddhisme classique, qui n'est pas théiste, et l'hindouisme, qui est polythéiste. En outre, des termes comme « secte» sont fréquemment employés d’une manière péjorative plutôt que façon analytique. Dans la mesure où la législation comprend des définitions, le texte devrait être examiné avec soin afin de s'assurer qu'elles ne sont pas discriminatoires et qu'elles ne préjugent pas certaines religions ou convictions fondamentales au détriment des autres. »
 
Ensuite le point 6.7 de la résolution: « adopter ou renforcer, si nécessaire, des dispositions législatives réprimant l’abus de faiblesse psychologique et/ou physique de la personne », ne peut résister à un examen critique. Ce point fait référence à la loi française sur « la sujétion psychologique ». Il n'existe aucune preuve scientifique qui pourrait soutenir l'idée de « sujétion psychologique », qui est un synonyme de « lavage de cerveau », par des groupes religieux, ou alors cela pourrait être appliqué à toute religion, y compris les traditionnelles. Comme pour le mot « secte », il n'existe pas de définition juridique de « sujétion psychologique » ce qui permettra à un groupe majoritaire d'attaquer les minorités religieuses, comme les hindous, les musulmans, ou même les juifs ou les chrétiens non-traditionnels ainsi que les nouvelles religions, en prétendant que les disciples sont sous « sujétion psychologique », même s'ils disent qu'ils pratiquent librement leur religion. En fait, c'est ce qui se produit déjà, mais ce sera renforcé par la présente résolution.
 
La Cour Européenne des Droits de l'Homme a déjà exprimé en 2010 dans le cas de TÉMOINS DE JÉHOVAH DE MOSCOU ET AUTRES c. RUSSIE (2) « qu'il n'y a pas de définition généralement acceptée et scientifique de ce qui constitue le « contrôle mental » (point 129).
 
En Russie, la FECRIS (la FECRIS semble être le principal informateur partial de M. Rudy Salles pour le rapport) est principalement constituée d'organisations liées à l'Eglise orthodoxe traditionnelle, et cible toutes les confessions non orthodoxes comme étant des « sectes » : les musulmans, les hindous, les chrétiens évangéliques, les nouveaux mouvements religieux. Leur compétence et leur sincérité sont très discutables. Ils bénéficient d'une position forte légalement, constitutionnellement, législativement et économiquement, et ne peuvent être considérés comme impartiaux puisqu'ils prononcent régulièrement des discours extrémistes.
 
Nous croyons fermement que cette résolution et cette recommandation vont créer plus de mal qu'elles ne protégeront d’enfants. Elles devraient être revues ou rejetées, et nous espérons que l'Assemblée n’approuvera pas une telle voie dangereuse pour les enfants des minorités religieuses, un chemin de violations des droits humains contre les parents et contre la plus vulnérable des populations : les enfants.
 
Chaleureuses salutations,
 
Lyudmila Alexeyeva 

1 http://www.osce.org/odihr/13993 
 


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